Première rencontre, PV Clara

Ce matin même, je m'étais réveillée à la bibliothèque, la figure bien calée entre les pages d'un vieux livre assez volumineux. C'était les rayons de soleil, s'infiltrant à travers les vitres, qui m'avaient tirée de mes rêves. Tout de suite, j'avais tenté de me souvenir de ce que je faisais dans cet endroit plus ou moins approprié pour dormir. Et j'étais arrivée à me rappeler la soirée d'avant. J'étais simplement venue feuilleter des vieux contes pour ma culture générale, et pour mon plaisir aussi. Mais j'avais évidemment oublié de regarder l'heur et je n'avais pas tardé à m'assoupir. Me souvenant de ces informations, je m'étais presque aussitôt demandée pourquoi la bibliothécaire ne m'avait pas réveillée à la fermeture. Il fallait croire que parfois, la bibliothèque restait ouverte pour les oiseaux de nuit qui considéraient que l'on pouvait lire et s'enrichir à n'importe quelle heur. C'était d'ailleurs mon avis, même si j'avais plutôt l'habitude de dormir, la nuit... ou étudier dans mon salon avec une tasse de café grand format.

Bref, c'était la raison pourquoi je me trouvais actuellement devant la porte d'un petit café au coin d'une petite rue dont le nom m'était inconnu. J'avais besoins d'un petit remontant si je voulais passer à travers ma journée. Même si je n'avais pas cours aujourd'hui, je n'avais quand même dormis que quelques heurs ; pas assez suffisant pour me garder réveillée plus de douze heures.

J'entrai dans le café, commandai un latte et en ressortis. Je devais aller boire mon café à un endroit très calme. Je ne supportais pas tellement les petits restaurants bondés ou on entendait suffisamment de conversations en même temps pour en ressortir avec une sale migraine. C'est pour cela que je me rendis à un endroit que je connaissais bien ; la fontaine, qui constituait un endroit assez neutre pour que je m'y aventure sans me sentir intimidée. Je veux dire, aucune loi ne stipulait l'interdiction aux gens de l'ouest d'aller au sud, au nord ou à l'est, mais c'était tout de même mal vue.

Arrivée à la fontaine, je m'installai sur un rebord et entrepris de boire mon café, sans remarquer la fille assise sur le même rebord, non loin.

Une fille, blonde elle aussi, s'assit près de moi. Enfin, pas si près, je ne l'aurais pas vraiment apprécié, étant donné que je ne suis vraiment, mais alors là, vraiment pas à l'aise avec les contacts physiques en tout genre. Un frôlement me fait sursauter, frissoner. Ça me fait carrément mal au coeur. Je dévisageai la fille. Cheveux plats, yeux bruns, pas vraiment l'air Italienne. Elle détonnait autant que moi, avec mon air Suèdoise. Enfin, quoi, c'était vraiment de là que je venais! Je finis voracement mon sandwiche, me désintéressant totalement de la fille, non sans avoir remarqué qu'elle était du genre plutôt studieuse et qu'elle portait une chaîne en forme de croix. Quand j'eus fini le sandwiche, je me retournai, montai mes pantalons et trempai mes pieds dans la fontaine. L'eau était fraîche, l'air aussi, pourtant, mais je me sentais bien. Le froid... Avait quelque chose de poétique, de beau. La fontaine me fascinait toujours autant, ainsi je me mis à remarquer tous les détails des statues. La première était un chérubin aux cheveux longs, de l'eau ruisselant sur son visage... Ainsi s'en fut sur douze statues, puis je me lassai. Ils se ressemblaient tous, en fin de compte... Alors, je me retournai, remis mes sandales et rabattu mes pantalons. Je pouvais peut-être sembler étrange pour certains, mais c'est que je m'en fichais! J'adressai un petit sourire à la fille blonde, par politesse plus que d'autres choses, et hochai la tête.
- Bonjour. Belle température, non?
Elle semblait d'environ mon âge, plutôt sympathique. Je me demandai d'où elle venait. Est? Sud? Non. Ouest. Quand j'y pensait, j'en étais sûre. Sinon, pourquoi aurais-je compris ainsi qu'elle était studieuse. Je me rappelai ce que ma mère m'avait dit à ce sujet.
«-Tiens-toi loin des gens du Sud. Ce ne sont que des beaux-parleurs. Les mensonges qu'ils te serviront n'auront d'égale que leur charisme. Si du croise quelqu'un de l'Est, prend gare à toi. Ils ne pensent qu'à leur bon plaisir. Ne te laisse jamais entraîner dans leur sillage. Quant à ceux de l'Ouest, ce ne sont que des rats de laboratoires.»
J'avais respecté ces paroles jusqu'à date. Je n'avais jamais parlé à une personne qui ne venait pas du Nord. Enfin... Jusqu'à aujourd'hui...

Je me perdis dans la contemplation de vieux édifices, non loin de la fontaine. Ils avaient l'air d'avoir survécu à de nombreuses périodes historiques. Ils semblait délabrés, égratignés, extrêmement abîmés, mais forts. Rien ne semblait pouvoir les détruire, les déplacer, les enlever de leur territoire. Ils vivaient là depuis la nuit des temps et étaient probablement les seuls de toute l'histoire italienne à avoir gagné toutes les guerres, les batailles de force et de pouvoir. Je me surpris à être impressionnée. Fascinée, même. J'aurais eu envie de me lever, de marcher vers eux la main tendue et d'aller effleurer leurs pierres éraflées, leurs briques toutes entaillées. Mais je résistai à la tentation : même si j'avais une passion pour tout ce qui concernait l'histoire et l'art, j'étais légèrement orgueilleuse sur les bords. Je n'allai tout de même pas me lever, comme en transe et effrayer tous ces pauvres gens qui faisaient leurs courses et se promenaient en ce midi monotone.

Toujours perdue dans mes rêveries, sirotant mon café machinalement, je fus surprise lorsque la fille à côté de moi m'adressa la parole. Vivant dans l'ouest, je n'étais pas habituée à me faire faire la conversation par des gens que je ne connaissais pas. Car les gens de l'ouest était plus solitaires, plus timides, avides de savoir qu'on trouvait dans les livres et non pas dans les conversations pourvue de fausses histoires et de ragots. Jamais quelqu'un de l'ouest n'avait daigné de faire attention à moi, ne serait-ce que par politesse. Mais je ne pouvais pas me plaindre ; je faisais la même chose, par timidité toutefois.

J'avais entendu dire, par contre, que c'était tout le contraire dans le sud. Mes parents m'avaient toujours raconté que les gens du sud adoraient converser avec de purs inconnus rencontrés en lieux publiques, adoraient se faire des amis, être en bonne compagnie. Ils me disaient aussi que les gens de l'est étaient une bande de gens très actif qui sauteraient en bas d'un pont si ça pouvait leur procurer de l'adrénaline. Et ils racontaient aussi que les gens du nord étaient plutôt hautains en leur genre et n'adressait pas la parole à ceux qu'ils jugeaient sans intérêt ou stupides. Ils étaient solitaires. En y repensant, ça pouvait être assez drôle d'être classé par notre Compass Rosae. On aurait dit une reproduction des quatre maisons d'Harry Potter. Les gens de l'ouest, tel les Serdaigle, prônaient la connaissance et le bon jugement, les gens de l'est, tel les Gryffondor, mordait dans la vie à pleine dents et se montraient courageux comme des lions, le nord, tel Serpentard, semblait penser qu'il valait plus la peine que toute l'humanité et les gens du sud, tel les Poufsouffle, était de bons amis loyaux et généreux.

- Oui, une très belle température. Mais c'est le cas à tous les jours, ou du moins à peu près, non ? dis-je, un sourire poli sur les lèvres.

Je fus quasiment étonnée que la fille me réponde. Je n'avais aucune idée de comment marchait cette ville, mais je savais que, d'où je venais, si j'aurais fait ça, on m'aurait regardée de travers. Mais ici, je souhaitais seulement connaître d'autres personnes que ceux du Nord. Parce que les gens du Nord étaient froids et méchants et antipathiques et solitaires. Peut-être que moi aussi, en fait. Enfin, je n'étais pas si solitaire que ça, je recherchais plutôt la compagnie des gens. Je ne me sentais pas vraiment pas à ma place dans ce Compass Rosae. Je ne me sentais à ma place dans aucun Compass Rosae... Je n'étais ni un rat de bibliothèque, ni une accro à l'adrénaline, ni une dragueuse en herbe. Ni une solitaire. Je sortis de mes réflexions et répondit à la fille.
- Je suppose. Je viens d'arriver.
Je me levai, me dirigeai vers elle et lui tendis la main, parce que, je crois, c'est ainsi que la politesse le veux quand on fait la connaissance de quelqu'un. Je crois, parce que ça faisait longtemps que je n'avais pas rencontré une nouvelle personne.
- Erin, Nord. Et toi?
J'étais assez curieuse de savoir quel était son Compass Rosae. J'aurais parié sur l'Est ou l'Ouest. En tout cas, pas du Nord. Ni du Sud...

Je profitai du temps de réflexion de la fille pour la détailler. Elle avait les cheveux blonds, tout bouclés. Des yeux bleus-verts perçants et une peau quand même assez claire. Cela me laissait penser qu'elle ne venait pas d'ici. Peut-être pensait-elle la même chose de moi, il est vrai que je n'incarnais pas l'italienne typique. J'étais légèrement bronzée et j'avais les yeux bruns ; c'était la seul chose qui aurait pu me rapprocher du physique habituel d'une italienne. Mais certaines choses, comme mes cheveux dorés et mes traits délicats, me faisaient plus ressembler à une française.

- Clara, me présentai-je. Je viens de l'ouest.

Alors elle venait du nord. Je n'y aurais jamais pensé. Elle m'avait quand même adressé la parole la première, et elle avait l'air beaucoup trop sympathique pour venir de l'endroit où l'on disait les gens méchants, glaciales. Peut-être pensait-elle elle aussi qu'elle n'était pas à sa place dans ce Compass Rosae ?

En fait, peut-être était-elle à sa place à cet endroit. Peut-être m'avait-elle seulement abordée en espérant que je sois une fille du nord. Elle allait sûrement être déçue, dans ce cas...

Une rat de bibliothèque. Je l'aurais parié. En fait, oui, je l'avais parié. J'étais toujours intriguée par ses origines. Une Italienne? Non, complètement. Elle avait la peau qui allait avec, bronzée à l'extrème, ce qui me rendait infiniment jalouse à cause de ma peau trop pâle, quasiment translucide. Mais elle avait les cheveux trop blonds, pas du tout l'air Italienne. Je ne voulais pas l'insulter si elle l'était, parce que je serais très offusquée moi-même si quelqu'un me disait que je ne ressemblais pas à une Suèdoise, parce que j'étais très fière de mes origines. Après tout, n'étais-ce pas mes ancêtres les Vikings qui avaient vraiment découvert l'Amérique, découverte que Cristobal Colon s'était appropriée... J'étais vraiment fière de là où je venais, ne vous fiez pas aux apparences! Je suis partie de là-bas à cause des gens. Les gens... On racontait qu'ici des gens des quatres Compass Rosae cohabitaient. Peut-être même se mêlait! J'avais très envie de rencontrer des gens, surtout ceux du Sud. Peut-être même les autres. Je n'était pas une vraie fille du Nord.
- Tu viens de l'Italie ou de quelque part d'autre?
J'essayai de lui sourire. Sans grand succès. Mon sourire ressemblait plus à une grimace qu'à d'autres choses. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Moi, je souris à l'intérieur.

HJ : Cristobal Colon ? C'était pas Christophe Colomb ? xD

Tiens. J'étais certaine qu'elle allait me demander ça. Mais bon, c'était normal. Les gens se posaient beaucoup de questions sur mes origines. Parce que je n'avais qu'à moitié l'air d'une italienne. Automatiquement, ils se disaient : « merde, d'où vient elle ?». Et je leur répondais avec indifférence que je venais bel et bien de l'Italie. Mais ma grand-mère était, si je m'en souvenais bien, une française. Alors, selon mes parents, je lui ressemblais plus à elle qu'à eux. Mes parents avaient tout les deux les cheveux d'un brun presque noir et les yeux de la même couleur. Moi, mes yeux étaient un brun assez pâle, et mes cheveux étaient trop...dorés à mon goût. Mais bon. Il y avait au moins une chose que je tenais de mes parents ; ma peau. Une chance, parce que sinon, je me serais demandé assez souvent si je n'étais pas la fille de ma grand-mère et... la soeur de ma mère...

- Je viens de l'Italie, dis-je sur un ton amusé.

Avant, quand les gens me posaient la question, je me fâchais. Pas vraiment fâchée, mais je trouvais cela légèrement irritant. Avec le temps, je m'étais habituée alors ça m'amusais. Surtout à la fin de la semaine, quand je faisais le décompte de combien de fois on m'avait posé cette question.

- Et toi ? demandai-je à Erin.

[HJ: Trip espanol]

Il semblait très clair que moi, je ne venais pas de l'Italie. Pas même proche, comme la France, l'Espagne ou la Croatie. Minimum, l'Autriche. Yodelé. C'était évident, il me semble. Je suis déjà allée en voyage en Autriche. Ce n'est pas aussi saloppettes et trompettes qu'on peux le croire. Les villes sont très modernes et tout, et tout...
- Moi, je viens de la Suède. Je suis ici depuis à peine deux jours. Je suis partie de chez moi parce que les gens étaient trop méchants.
Bon, c'était reparti. Je considérais toujours la Suède comme «chez-moi», même si je n'y vivais plus depuis très longtemps. Trop longtemps. Du temps où j'errais, perdue, dans les rues d'Hongrie, je considérais souvent de retourner en Suède pour finir mes études comme il se le doit. Parce que, non, je n'avais pas passé mon diplôme d'étude secondaires. Vous allez vous dire: «Non, mais quelle inculte! Elle ne connait sûrement pas ses notions d'algèbre», alors, je vous répondrais: «Non, mais on s'en fiche de l'algèbre et du volume des solides! Quand on ne sait même pas si la vie vaux la peine d'être vécue, qui s'occupe de résoudre des équations compliquées avec des X et des Y? De toute façon, j'aurais coulé mon année: au test le plus important de l'année, où il fallait trouver le X qui signifiait le côté d'un triangle, j'avais tout simplement encerclé le X en disant: «Il est là». Et je me suis égarée encore.»